Le Bouledogue Français : la coqueluche du Tout-Paris
A vrai dire, voilà plusieurs années que le Bouledogue Français fourbit ses armes pour célébrer dignement son centenaire. Non content de jouir d’un regain d’intérêt (421 inscriptions au LOF en 1990,831 l’an passé), il s’offre depuis peu une sacrée campagne de “pub” dans les médias : Nicole Lambert du Figaro l’a adopté dans Les Triplés ; Epson l’a choisi pour vanter les mérites d’un photocopieur ; Xavier Pujade, réalisateur de “Plus vite que la musique” sur M6, lui consacre une séquence dans son émission... Au Club, cet engouement inquiète : “Trop de gens l’achètent par snobisme, parce que son prix - pas toujours justifié d’ailleurs - en fait un signe extérieur de richesse”, remarque Elyse Waget, présidente. “Nous avons à présent un cheptel à deux vitesses. D’un côté, une minorité de sujets de grande qualité ; de l’autre, une majorité d’ersatz de Bouledogues. Sur le plan général, on constate que la sélection n’est pas ce qu’elle devrait être tant en ce qui concerne la “beauté” que l’équilibre caractériel. On rencontre de plus en plus de sujets agressifs. A cela une raison simple : ils ont été élevés en chenil, privés de tendresse et de contacts humains. Autant dire que nous devons veiller à ce que notre petit molossoïde ne soit pas dénaturé par la mode - le caille surtout qui est le plus demandé ”. Cette mise en garde étant faire, voyons qui est la “victime”.
Notre “Bouli” - c’est son petit nom - national est né des amours du toy-bulldog, descendant miniature de l’ex-chien de combat britannique et d’un ratier du Paris des petits métiers, vers 1870. Clown et philosophe, le rejeton est appelé terrier-boule. Dans l’ouvrage qu’ils ont consacré à la race (1), Françoise et Jean-Pierre Girard nous disent qu’il règne alors sur les quartiers les plus populaires de la ville : à la Villette, à Pantin, à Belleville, aux Halles, à Beaucourt, au Marais. II garde la boucherie, accompagne le marchand des quatre-saisons et le chiffonnier, tient compagnie au savetier et au menuiser, trône sur la banquette du bistrot, chasse le rat dans les écuries, siège près du cocher. Les premiers éleveurs se réunissent entre eux dans les cafés pour échanger leurs vues, admirer leurs chiens, les comparer. Tout à leur passion et à leurs amitiés, ils n’imaginent pas que leur protégé quittera bientôt leur cercle pour devenir la coqueluche du Tout-Paris et le béguin du monde entier. Pourtant tel est son destin. Les grisettes, les demi-mondaines l’adoptent pour son physique inédit, “aussi ingrat qu’harmonieux”. Les excentriques s’en entichent pour le plus grand bonheur des caricaturistes. Idem des grands bourgeois et des nobles. Les Américains puis les Anglais - qui le nomment “frenchie” - s’enthousiasment pour cet article “made un Paris” et lui réservent un accueil délirant. En 1898, année de sa reconnaissance officielle, notre Titi, rebaptisé Bouldogue Français a déjà gravi tous les degrés de l’échelle sociale. Et tout le monde sait qu’il est différent des autres chiens.